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Le processus de responsabilisation

En mars 2023, les membres d’À cœur d’homme ont adopté le guide de pratique intitulé La responsabilisation des hommes auteurs de violence conjugale (Roy, Brodeur et al., 2023).

Résultant d’une collaboration entre nos équipes d’intervention et nos partenaires en recherche, ce guide vient confirmer la validité des pratiques et de l’approche que nous déployons depuis plus de 35 ans.

Définir la responsabilisation individuelle

Le guide de pratique, soutenu par la recherche, définit la responsabilisation comme « un processus par lequel les auteurs de violence acceptent la responsabilité de leurs actes et s’engagent sur la voie de la non-violence » (Vlais 2016).

Afin que la violence cesse, il est donc essentiel qu’une personne prenne conscience que les gestes qu’elle pose relèvent entièrement de sa responsabilité et qu’en faisant des choix différents, elle peut changer ses comportements.

La responsabilisation des auteurs de violence conjugale et familiale compte parmi les principes clés des actions visant à contrer la violence conjugale (Chung et al., 2020; Gouvernement du Québec, 2018).

Un processus en cinq dimensions

Pour amener les auteurs de violence à se responsabiliser, il est essentiel d’introduire et de soutenir ce processus tout au long de leur démarche.

Le guide de pratique structure ce processus autour de cinq dimensions clés. Pour chacune d’elles, des stratégies d’intervention sont définies afin d’accompagner le participant dans l’acquisition des compétences nécessaires.

Il est important de souligner que le processus de responsabilisation N’EST PAS linéaire et qu’il se déploie généralement de manière graduelle.

L’ordre des dimensions présentées est à titre indicatif et la trajectoire peut varier en fonction du degré de reconnaissance de la problématique de violence et du niveau de motivation à s’engager dans la démarche.

Les stratégies d’intervention peuvent être employées de manière complémentaire pour aborder plusieurs dimensions simultanément.

Résumé des cinq dimensions

Aider la personne auteure à mieux définir et comprendre la violence est essentiel dans le processus de responsabilisation. Une meilleure compréhension permet d’identifier plus facilement les comportements violents exercés.

La perception de la violence varie selon l’expérience personnelle, le contexte de vie et les mécanismes de banalisation auxquels la personne a été exposée.

L’objectif est d’amener l’auteur à reconsidérer sa conception de la violence pour favoriser la reconnaissance de ce qui est violent – ou pas – dans ses comportements.

Le travail d’intervention consiste donc à :

  • Mettre de l’avant le caractère inacceptable de toutes les formes de violence;
  • Questionner sur la violence exercée;
  • Confronter les banalisations et les justifications;
  • Analyser les situations afin de permettre la prise de conscience des émotions sous-jacentes et des signaux précurseurs.

Une dimension clé du processus de responsabilisation est la prise de conscience des conséquences néfastes des comportements violents. L’objectif est d’amener la personne auteure à reconnaître que ses actions ont des répercussions dommageables sur toutes les personnes impliquées, y compris sur lui-même.

Comme pour l’identification de la violence, cette conscientisation vise à élargir sa perception des répercussions, à contrer la banalisation de celles-ci et à développer son empathie envers les autres.

Le travail d’intervention consiste donc à :

  • Fournir des informations sur les conséquences possibles de la violence;
  • Questionner la personne sur les conséquences vécues;
  • Faire ressortir les conséquences potentielles en analysant différentes situations de violence;
  • Soutenir l’appropriation des conséquences, afin de favoriser la prise de conscience et la responsabilité personnelle.

Les auteurs de violence ont souvent la perception qu’ils perdent le contrôle lorsqu’ils posent des gestes violents. Ils peuvent aussi considérer la violence comme une réponse à la provocation de leur entourage ou se convaincre qu’ils n’avaient pas d’autre choix que d’agir ainsi. La violence est alors souvent perçue comme une fatalité, une situation sur laquelle les auteurs estiment ne pas avoir de pouvoir.

Cette dimension a pour objectif d’amener la personne auteure à se réapproprier la notion de choix dans l’exercice de la violence. Cette prise de conscience constitue une étape cruciale du processus de responsabilisation; elle encourage l’auteur à s’engager durablement dans un choix de non-violence.

Au fur et à mesure qu’elle prend conscience de l’impact de ses choix sur le déroulement des événements, la personne auteure comprend qu’elle a le pouvoir d’agir différemment et de privilégier la non-violence, quelle que soit la situation.

Le travail d’intervention consiste donc à :

  • Rappeler que la violence découle entièrement du choix de l’individu de l’exercer ou non;
  • Examiner les intentions sous-jacentes des comportements violents;
  • Analyser les gains et les pertes associés à l’usage (ou non) de la violence;
  • Mettre en lumière le pouvoir de choisir et d’agir différemment;
  • Soutenir l’appropriation de stratégies alternatives à la violence;
  • Cultiver le choix de non-violence comme mode de vie.

Pour de nombreux auteurs de violence conjugale et familiale, la conception des relations interpersonnelles est souvent marquée par une socialisation dite traditionnelle et une vision stéréotypée des rôles de genre.

Ces idées préconçues, souvent rigides, conduisent la personne auteure à voir les relations sous un prisme de déséquilibre des pouvoirs, plaçant la domination au premier plan. Les conflits sont alors perçus comme un affrontement « gagnant-perdant » et les intentions de son entourage, notamment de sa·son partenaire, sont interprétés comme hostiles à son égard et ses besoins opposés aux siens.

L’objectif de cette dimension est d’aider la personne auteure à réévaluer sa conception des relations intimes et familiales, en abandonnant l’idée de domination pour adopter un modèle relationnel fondé sur l’égalité, le respect et la considération mutuelle.

Le travail d’intervention consiste donc à :

  • Éduquer les auteurs de violence sur les caractéristiques des relations saines et égalitaires, notamment en abordant avec eux les notions liées au pouvoir et au contrôle;
  • Soutenir le développement des habiletés de communication non-violentes;
  • Discuter des expériences relationnelles passées et de leurs liens avec les comportements violents;
  • Fournir des modèles de relations saines et égalitaires au sein des groupes d’intervention.

Les stéréotypes liés aux relations homme/femme et la socialisation traditionnelle des rôles de genre façonnent la perception de nombreux auteurs de violence, qui considèrent que leur entourage, en particulier leur partenaire, est responsable de satisfaire leurs besoins individuels.

Dans cette logique, la violence devient alors perçue comme un moyen légitime de contraindre les autres à répondre à ces besoins, selon leur vision, souvent rigide, de ce qui est juste et approprié. Cette dépendance aux relations interpersonnelles, notamment intimes, nourrit l’idée erronée que les personnes impliquées dans ces relations leur « appartiennent ».

Cette dynamique est souvent accentuée en cas de séparation, augmentant ainsi considérablement les risques d’homicide intrafamilial, notamment l’homicide conjugal.

Il est crucial, pour la personne auteure engagée dans un processus de responsabilisation de rompre avec cette logique de dépendance et de développer son autonomie pour satisfaire ses besoins par elle-même, reprenant ainsi le contrôle de sa vie.

L’objectif est également de maintenir les acquis et d’encourager la proactivité de la personne auteure en l’incitant à réfléchir à des stratégies à long terme pour éviter le cycle de la violence et préserver ses facteurs de protection.

Le travail d’intervention consiste donc à aider la personne auteure à :

  • Développer une meilleure connaissance de soi;
  • S’outiller pour répondre à ses propres besoins sans dépendre de personne;
  • Distinguer les situations de pouvoir et d’impuissance dans sa vie;
  • Apprendre à faire valoir ses droits de manière responsable et respectueuse des lois.