AYOYE!, programme d’intervention auprès des jeunes qui ont des comportements violents. Intervenir auprès des adolescents, un objectif à long terme, des résultats à court terme.

Ayoye ! est un programme d’intervention développé par l’organisme C-TA-C à Rimouski. Dans le cadre de notre intervention en violence conjugale auprès des hommes, plusieurs histoires de vie des participants relataient la présence de violence à l’enfance et la transition vers l’utilisation de la violence à l’adolescence. Ces constats et le développement d’une collaboration avec une institution scolaire du niveau secondaire nous ont conduits à développer une série d’intervention brève que nous avons expérimentée et adaptée entre 1998 et 2003. Fort de cette expérience, sensible aux demandes des participants et aux besoins de l’école, nous avons mis sur pied « Ayoye! ».

En 2014, ce volet de notre intervention nous permet d’agir de 5 façons différentes auprès des jeunes et de l’organisation :

  1. La sensibilisation des groupes classes, une série de 3 ateliers ;
  2. Groupe restreint, intervention brève basée sur le même contenu que la sensibilisation pour des ados qui ont été violents ;
  3. La démarche d’intervention, une série de 10 rencontres d’intervention pour des jeunes qui désirent aller plus loin dans cette démarche de prise de conscience et de changement ;
  4. La démarche individuelle ;
  5. La sensibilisation des profs ou du milieu scolaire et la concertation.

Idéalement, les 5 volets du programme devraient être présents dans chacune des écoles où nous sommes actifs, le milieu devrait être engagé et mobilisé autour de cette action concernant la violence et l’intimidation. Dans la réalité, l’intensité de notre présence varie considérablement d’une école à l’autre.

Dans cette collaboration avec le milieu scolaire, les groupes classes s’adressent davantage aux jeunes du premier cycle du secondaire. Le groupe restreint de sensibilisation et la démarche d’intervention, visent les adolescents du deuxième cycle, compte tenu que ces volets demandent une plus grande capacité d’introspection de la part des participants. Selon notre expérience, il est essentiel dans la démarche avec ces jeunes qui ont utilisé des comportements violents, que l’objectif soit, la prise de conscience de sa violence et de ses choix, et non pas la conformité au code de l’école. Un des effets possible pourra être qu’ils choisissent de s’y conformer. Pour les jeunes, c’est l’espace de parole, de réflexion et de changement possible qui donnent son sens à cette démarche. Selon eux :

 « On n’a tellement pas de cours au secondaire où on peut parler des faits et de la réalité. Même la morale, ce n’est pas un cours où on témoigne de ce qu’on vit. On va parler de la sexualité, de la drogue, mais pas de la réalité, de ce qu’on vit à la maison. Dans  « AYOYE ! », t’as l’occasion de le faire. »

« À l’école, on travaille pour avoir une job et c’est important, mais pour vivre, c’est aussi important de travailler sur soi-même et c’est ce qu’on a pu faire dans ce groupe. »

« Le fait de savoir que, chaque mercredi, j’avais mon groupe « AYOYE ! », ça me donnait une certaine motivation à aller à l’école. »

« Parler comme ça, je ne fais pas ça vraiment ailleurs que dans ces rencontres-là ».

Participants au programme

Les trois rencontres de sensibilisation se déroulent autour du canevas suivant :

 

Ateliers de sensibilisation au phénomène de la violence (3 ateliers)

Atelier 1

Objectif :         Identifier les différentes formes de violence exercées par les adolescents (es), favoriser leur ré appropriation et enclencher une première mise en mouvement vers le changement.

Étape 1 :         Premier contact et création du lien entre nous

Étape 2 :         Les formes de comportements impulsifs et/ou violents

Étape 3 :         Identifier les comportements impulsifs et/ou violents que chacun utilise et se questionner sur l’apprentissage qu’ils font en lien avec la violence   

 

Atelier 2

Objectif :         Nommer les gains et les pertes qu’entraîne  l’utilisation de comportements impulsifs et violents, comprendre les impacts de la violence sur les victimes et se responsabiliser face à ses gestes.

Étape 1 :        Retour sur le questionnaire vu/subi/fait complété avec l’enseignante

Étape 2 :        Discussion sur les gains et les pertes que peut occasionner l’utilisation de comportements violents

Étape 3 :        Les impacts de la violence sur les autres

 

Atelier 3 

Objectif :       Cerner et comprendre ses propres « patterns » de colère et communiquer de manière saine.

Étape 1 :        La notion de responsabilité et de choix dans les comportements violents

Étape 2 :        Exemple démontrant que nous avons le choix d’user de violence

Étape 3 :        Y a-t-il une différence entre l’agressivité, la colère et la violence ?

Étape 4 :        Comment reconnaître les signes physiques qui nous informent que l’on approche de l’explosion

Étape 5 :        Comment éviter l’explosion ? Faire un lien ici avec les signes physiques

Étape 6 :        Remercier le groupe pour la participation

Lorsque l’on trace un bilan des dernières années, nous constatons que nous avons rencontré annuellement une trentaine de jeunes,  dans le cadre des groupes restreints en sensibilisation, environ douze jeunes ont poursuivi leurs démarches dans un des groupes d’intervention et environ 500 jeunes ont participé dans le cadre des groupes classes. Dans les groupes classes, les jeunes ont témoigné dans leurs évaluations qu’ils apprécient ces rencontres, que cela leurs permets de réfléchir et de prendre conscience de la place de la violence dans leurs vies. Certaines rencontres ont permis de mettre en lumière des situations de violence ou d’intimidation qui n’étaient pas encore connues de l’école. Dans les groupes restreints les jeunes ont exprimés :

« Au début, ça ne me tentait pas. Finalement, j’ai aimé ça et j’ai pris les dix autres rencontres ».

« On a travaillé avec ce que j’ai écrit. J’ai commencé à parler et les autres ont tout de suite fait pleins de liens avec leur vie. Ils disaient : « moi « too », moi « too » ! ». On s’est rapproché, on se ressemblait, ça m’a marqué ».

 « Dans l’intervention, tu te sens comme si ce que tu penses et dis, font avancer les affaires dans le groupe. Ce que tu dis est important. Dans le groupe d’intervention, tu parles plus de toi et t’apprends à te connaître ».

Participants au programme

« Les jeunes ont besoin de parler, de partager. Il est clair que « AYOYE ! » a sa place dans l’école. Ils trouvent dans ce groupe des espaces qu’ils ne trouvent nulle part ailleurs. C’est un groupe rare parce que ça leur permet de s’exprimer en groupe ».

Intervenant scolaire

Malgré l’intérêt du milieu scolaire pour cette démarche, le défit d’assurer un financement récurent demeure complexe et difficile. Nous avons tout de même 3 partenaires qui soutiennent cette action, la commission scolaire des Phares, Centraide Bas-St-Laurent et depuis un an le fond dédier à la persévérance scolaire Réunir-Réussir.

 

André Boudreau
Directeur général de C-TA-C